Alors que je donnais un cours privé de photographie à un gentil couple au Musée National des Beaux-Arts de Québec, la superposition s’est faite devant mes yeux. Je n’ai pas eu le choix de prendre la photo et démontrer quelques techniques de composition à mes élèves…
Le droit d’auteur, c’est vaste et c’est compliqué. Ce n’est pas pour rien que c’est un de mes sujets de prédilection et que j’y ai consacré déjà de nombreux textes.
Lorsque vous prenez une photo, elle est protégée automatiquement par la loi sur le droit d’auteur. Légalement parlant, vous avez créé une œuvre d’art dès le moment où vous avez appuyé sur le déclencheur de votre appareil photo. Cette photo est donc protégée jusqu’à votre mort, plus 50 ans (au Canada). Vous pouvez (et devriez) préciser à qui vous cédez vos droits d’auteur dans votre testament, car vos héritiers peuvent continuer de profiter des royautés sur vos oeuvres même après votre mort.
La Loi sur le droit d’auteur protège donc toute œuvre de l’esprit, que ce soit un livre, un film, une chanson, une peinture, une sculpture, ou même un plan architectural.
Alors… Qu’en est-il de la prise de photo d’une œuvre d’art installé de manière permanente dans une ville? Est-il légal de prendre en photo et de diffuser une image où l’on voit un immeuble créé à partir d’un plan architectural, protégé par droit d’auteur? Le Centre Vidéotron, le Stade Olympique, les silos à grains des ports de Québec et Montréal? Pouvez-vous les prendre en photo?
La liberté de panorama est une exception au droit d’auteur par laquelle il est permis de reproduire une œuvre protégée se trouvant dans l’espace public. (…)
Dans la plupart des pays, la protection du droit d’auteur est reconnue aux architectes et sculpteurs sur leurs œuvres quand elles présentent une dimension artistique (…)
L’article 2-1 de la convention de Berne (signée le 9 septembre 1886) cite explicitement les « œuvres d’architecture, de sculpture » comme relevant de son application. L’article 9 du même texte réserve à l’auteur « le droit exclusif d’autoriser la reproduction de ces œuvres, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit. »
(…)
Certains pays ont donc introduit dans leur législation une dérogation au droit commun, autorisant la libre reproduction de l’image d’œuvres normalement protégées, dès lors que celles-ci se trouvent dans l’espace public, sans que l’autorisation de l’auteur doive être recherchée ou sans qu’un paiement lui soit dû.
En d’autres mots, la liberté de panorama prévoit qu’un artiste libère le monopole d’exploitation économique prévue par la loi sur le droit d’auteur si son œuvre est installée de manière permanente en public.
La liberté de panorama en France
Vous avez peut-être déjà entendu parler du fait qu’il est possible de prendre en photo la tour Eiffel pendant le jour, mais pas pendant la nuit. Il est en fait légal de la PRENDRE en photo, mais pas de la distribuer ou de la montrer. C’est que la France a une législation stricte en ce qui a trais aux droits d’auteur. La France n’a pas de liberté de panorama.
L’oeuvre de Gustave Eiffel fait partit du domaine public, car il est mort il y a plus de 50 ans. Vous pouvez donc diffuser des images de la tour sans problème. Cependant, les lumières installées sur la structure et qui sont visibles la nuit sont considérées comme une oeuvre d’art distinct et sont toujours protégées par droits d’auteur.
Cette vidéo, malheureusement en anglais, explique la situation en détail de façon très pédagogique (vous devriez d’ailleurs vous abonner à la chaîne Youtube Half as Interesting ainsi qu’à sa grande soeur Wendover Production si vous parlez le Donald Trump)
La liberté de panorama au Canada
Revenons au Canada. Heureusement pour les photographes, la loi sur le droit d’auteur inclut une exception pour les œuvres installée de manière permanente dans un lieu public; la liberté de panorama existe et est assez large.
l’article 32.2 (1) de la Loi sur le Droit d’auteur dit que:
Ne constituent pas des violations du droit d’auteur :
(…)
b) la reproduction dans une peinture, un dessin, une gravure, une photographie ou une œuvre cinématographique :
(i) d’une œuvre architecturale, à la condition de ne pas avoir le caractère de dessins ou plans architecturaux,
(ii) d’une sculpture ou d’une œuvre artistique due à des artisans, ou d’un moule ou modèle de celles-ci, érigées en permanence sur une place publique ou dans un édifice public;
Il est donc légal au Canada de prendre en photo un monument ou un bâtiment et de diffuser l’image, même dans un but commercial. Il faut cependant faire attention: le bâtiment en tant que tel tombe sous le principe de la liberté de panorama, mais pas les différentes affiches et logos qui pourraient se trouver sur des enseignes installé sur ce bâtiment. Le Château Frontenac entre dans la liberté de panorama. Pas les affiches des compagnies Fairmont et Starbuck installée sur celui-ci.
La liberté de panorama ailleur dans le monde
Si vous avez a voyager un peu partout et désirez en savoir plus sur la liberté de Panorama, cette carte vous aidera à savoir ce qui est légal ou pas.
Pour un moment, oubliez vos opinions politiques. Être nommé ministre, c’est un sommet politique important. Y être nommé est probablement un moment rempli d’émotion pour ceux et celle qui prêtent serment. Lors de l’assermentation des ministres du nouveau Cabinet libéral, ma caméra a donc capté quelques moments plus intéressants que la simple signature du registre. En voici quelques-uns.
Quebec Premier Philippe Couillard gestures as the new new Liberal cabinet applauses
Filomena Rotiroti
Stephane Billette
Andre Fortin
Andre Fortin
Luc Fortin
Helene David
David Heurtel
Martin Coiteux
J’étais en assignation pour La Presse Canadienne, j’ai donc été publié un peu partout. Voici quelques « unes »
Mardi, le tout nouveau chef du NPD, Jagmeet Singh, était à Alma place pour appuyer sa candidate locale lors de la prochaine élection partielle. C’était une belle occasion pour Le Devoir d’aller découvrir le personnage et j’ai donc accompagné la journaliste Marie-Michèle Sioui pour faire des photos. Le texte « Jagmeet Singh à la conquête du Lac-Saint-Jean » est sur le site du Devoir et voici quelques autres photos: bain de foule, dégustation de tarte aux bleuets et fromage en crotte.
Il est très courant que des organismes et des compagnies se fabriquent des banques d’image sans devoir payer la moindre cenne en déguisant l’opération sous forme de concours.
« Soumettez vos plus belles photos de XX et méritez-vous la chance de gagner un bel appareil photo compact d’une valeur de 250$ »
En lisant attentivement les différentes clauses des règlements, on se rend finalement compte que l’organisation du concours se réserve le droit d’utiliser toutes les photos soumises de façon commerciale pour faire leurs publicités.
Pas juste les gagnantes.
Toutes.
Certains poussent même l’outrecuidance en précisant que le photographe dédommagera la compagnie s’ils se font poursuivre pour une raison quelconque suite à la publication d’une photo qu’il a soumise. C’est fort, non?
Des photographes pris entre l’arbre et l’écorce
Une compagnie de la région de Québec vient de lancer un concours photo encore plus vicieux et les photographes de mariage sont furieux.
La compagnie se spécialise dans la location de décoration pour des événements, dont des mariages. Elle invite les nouveaux mariés à leur faire parvenir leurs photos de mariage – les décorations qu’ils ont fait pour eux, bien sûr – pour participer à un concours leur permettant de gagner 300$. Le problème? Le photographe doit céder ses droits à la compagnie qui organise le concours pour qu’ils puissent les utiliser à des fins publicitaires.
Le photographe Michaël Fournier relate:
« Une entreprise de décorations de salle de réception me demande de céder mes droits d’auteur pour laisser la chance à mes mariés de participer à leur concours. Ils précisent qu’ils ont bel et bien l’intention d’utiliser les photos de manière commerciale par la suite. Vous comprendrez que si je refuse, je bloque le concours à mes mariés et qui pourrait même créer de la zizanie. Si j’accepte, j’ai l’impression de ne pas respecter mes valeurs concernant le travail des artistes. »
Lorsque Michaël leur a demandé des précisions, une représentante de la compagnie lui explique que:
« En nous envoyant des photos de leurs décorations de mariage, les clients participent à notre concours Mariage Facebook. Mais leurs photos peuvent être utilisées sur des affiches promo, des montages vidéo, sur note site web ou autres. »
Le client peut donc gagner 300$. Et le photographe, lui? Qu’est-ce qu’il gagne? Rien. Il a le choix de signer et de voir une compagnie utiliser ses photos sans être rétribué ou de faire respecter ses droits d’auteur et d’ainsi créer une tension insoutenable entre lui et son client.
Quelle belle façon de ruiner tous les référencements possibles que ces clients pourraient lui faire. « Oui, tu as fait un bon travail et nous sommes satisfaits, mais signe le formulaire pour qu’ils puissent faire leur pub avec tes photos, sinon je vais recommander un autre photographe à tous mes amis et à toute ma famille. »
Soyons honnêtes: la seule raison de la création de ce concours est de se procurer des images qui seront utilisées à des fins publicitaires.
En d’autres mots: vous signez un chèque en blanc et la compagnie se procure, pour 300$, des photos qui lui aurait coûté plusieurs milliers de dollars à se procurer si elles avaient passé par le chemin traditionnel.
Au moins, les clients de Michaël l’on contacté pour savoir s’ils pouvaient envoyer les photos pour participer au concours et c’est là qu’il a eu la présence d’esprit de demander des précisions de la part de l’organisateur du concours.. Combien de nouveaux mariés ont signé le document, sans savoir qu’ils ne pouvaient céder les images à un tiers sans l’autorisation du photographe?
C’est quand même merveilleux. Près de 200 ans après l’invention de la photographie, on invente le concours photo où le photographe perd tous et ne peut rien gagner.
Je me définis principalement comme photojournaliste. Ce que je montre en photo, c’est ce que j’ai vu. Tout comme un journaliste rapporte une citation avec exactitude, sans ajouter ou retirer des mots dit pas un interviewé, je montre la réalité avec une utilisation très parcimonieuse des outils de correction offerts par Photoshop.
Cependant, qui dit publicité dit retouche intensive. C’est alors qu’intervient une équipe de retoucheur qui peut finaliser le concept en poussant la vision originale jusqu’à son expression finale. (merci Louise Gingras pour celles-ci!)
D’abord, une machine à aligner unique à Québec. La photo de base, le détourage, la correction des reflets, et l’ajout d’un ombrage.
Puis, une vue extérieure du bâtiment. Encore une fois la photo de base, puis le retrait des éléments indésirable.