Pourquoi ne devez-vous pas accepter un crédit photo comme forme de paiement?

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Ce matin, j’ai eu la conversation téléphonique suivante:

– Bonjour! Je travaille pour la station de télévision X. J’ai trouvé une photo de Y sur votre site web. Nous aimerions l’utiliser dans notre émission de télévision ce soir en échange d’un crédit photo.

– Malheureusement, un crédit photo ne sera pas suffisant. Il devra y avoir une compensation en argent.

– Impossible. Nous allons trouver quelqu’un d’autre alors.

– Pas de problème.

– Nous sommes quand même « correct »: nous avons demandé avant. D’autres le font sans demander.

– En effet. Mais lorsque cela arrive, je les poursuis et je gagne.

Deux choses intéressantes dans cette conversation.

D’abord, je ferai bientôt un billet sur la marche à suivre lorsque quelqu’un utilise une de vos photos sans votre autorisation. Mon avocate Catherine Morisette et moi en sommes actuellement à 4 « victoires » et aucune défaite à ce sujet. En fait, nous n’avons même pas eu encore à aller en cour, tout s’est réglé à l’amiable, mais à MES conditions pécuniaires.

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Si vous publiez des photos sur Internet, il est inévitable qu’un jour quelqu’un vous contactera pour utiliser gratuitement une de celles-ci.

Voici quelques arguments qui seront utilisés par ceux qui vous contacteront

– Nous allons vous donner un crédit photo (la mention du nom du photographe sous la photo) en échange.

Même s’il y a paiement monétaire, vous pouvez et devriez demander un crédit photo. Alors, pourquoi se contenter du seul crédit?

– Cela fera circuler votre nom et vous apportera d’autres contrats.

D’autres contrats où les gens ne paieront pas?

Croyez-moi, je n’ai jamais reçu d’appels d’un client m’ayant dit, « j’ai vu votre photo dans tel journal, j’ai aimé, et j’aimerais vous engager à mon tour. » Cela n’arrive pas. Jamais.

– Nous sommes un organisme sans but lucratif/de bienfaisance.

La première chose à faire en recevant une demande de ce genre est d’aller consulter le site web de l’organisme. Dans la section « qui sommes nous » ou « états financiers », vous serez probablement surpris d’apprendre que l’organisation emploie plusieurs salariés. Souvent des dizaines. Si EUX sont payés, pourquoi VOUS ne le seriez pas?

– Nous n’avons pas de budget pour les photos

Est-ce qu’ils paient un loyer pour héberger leurs employés? Est-ce qu’ils paient leur l’imprimeur qui s’occupe des dépliants sur lesquels apparaitront votre photo? Le graphiste qui en fera le montage, lui? Leurs lignes téléphoniques, c’est une gracieuseté de Bell Canada? Leur connexion Internet? Leur chauffage? Leurs ordinateurs? Leurs timbres? La personne qui vous parle présentement au téléphone est-elle payée?

Organisme de charité, PME ou grosse entreprise, s’ils paient pour tous ces services, pourquoi en seraient-ils autrement des photos?

Est-il valable, parfois, de laisser quelqu’un utiliser gratuitement une photo?

Il arrive que des étudiants me demandent la permission d’insérer une de mes images dans un travail scolaire. J’accepte généralement, mais comme ils se retrouvent alors avec une version haute résolution d’une de mes photos ayant une valeur monétaire importante, je leur demande de remplir une licence d’utilisation, surtout pour les points 4, 5 et 6 de celle-ci.

Il m’arrive aussi parfois de laisser un blogueur qui m’est sympathique d’utiliser une photo à titre gracieux. Cependant, mon « paiement » est un crédit photo contenant un hyperlien vers mon site Internet, qui se convertit alors en « backlink » très important pour mon SEO. J’ai cette entente avec Antoine Robitaille, par exemple.

Vous vivez de la photo, ou vous espérez en vivre un jour. Malheureusement, votre banquier n’acceptera pas un crédit photo pour payer votre hypothèque. À vous de déterminer le juste prix pour une licence d’utilisation de votre photo et d’être confiant de la valeur de celles-ci.

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Backlink? SEO? C’est du chinois pour vous? Je ferai peut-être un jour un billet là-dessus un jour.

Comments (16)

  • Bonne petite lecture. Maintenant, si seulement tous les enseignants photo de ce monde pourrait croire cette réalité. Pourquoi la photographie devrait-elle être gratuite? Comment allez-vous payer votre loyer, vos déplacements, votre équipement, votre épicerie avec un crédit photo?

    Combien de demande de service d’assistant reçoit-on pendant le mois de janvier-février? C’est farfelu puisqu’elles ne sont aucunement personnalisées et ils désirent tous le faire gratuitement. Pour ma part, je n’engagerai jamais un assistant qui veut travailler gratuitement pour deux raisons: Soit tu n’as pas aucune confiance dans tes moyens (ce que je ne désire pas comme assistant) ou soit tu ne te respectes pas assez pour demander une rémunération.

    Bonne journée!

  • @Sylvain Bérubé:

    Il y a une grande différence entre travailler pour un journal et être pigiste pour celui-ci:

    Je travaille pour un journal, avec une sécurité d’emploi (j’ai des heures payées à chaque semaine, avec un horaire régulier) et les photos (tout comme les articles) que je produis peuvent être repris à droite et à gauche par ledit journal et la compagnie qui le détient.

    Je suis un employé et je suis payé à l’heure, pas au nombre de textes et de photos publiés et commandés. Ça peut être plate de voir mes trucs utilisés plus d’une fois sans être payé, mais en même temps, ça compense pour les journées tranquilles où je peux être payé à ne pratiquement rien faire. Peu importe si je fais 3, 4 ou 10 assignations pendant ma journée de 12 heures, je serai payé autant. Je produis pour une compagnie, au même titre qu’un travailleur le fait dans un bureau. C’est le temps qui compte et non pas la quantité produite.

    D’un autre côté, le pigiste, lui, devrait TOUJOURS s’assurer d’avoir une clause de copyright pour le protéger. C’est le fun de se faire payer 300$ pour un texte ou une série de 2-3 photos, mais si ladite oeuvre se retrouve à circuler en tant que publicité ou est revendue par le journal ou magazine, qui fait donc plus d’argent que pour la première raison qu’elle a été produite (éditoriale), alors là il y a un problème. Il peut donc être judicieux de négocier un contrat où le nombre et le type d’utilisation est clairement indiqué, avec la mention que l’entente peut être renouvelée selon certaines modalités.

    Je pense à ce photographe qui a fait la photo de l’album Nevermind de Nirvana, ce petit bébé nu dans l’eau. Il a vendu sa photo (et probablement d’autres de la même séance) pour seulement 200$, à un groupe peu riche, peu connu… Il n’a jamais touché une seule cenne des millions de ventes de l’album, de posters et d’autres produits dérivés où se retrouvait l’image devenue emblématique.

  • Francis Olivie Houle

    Bravo, Il faut savoir a prendre notre place, et en tant qu’étudiant, je compte bien suivre le même code d’éthique que tu semble suivre.

  • Très bon, ce billet :-)

    Je fais le parallèle avec le trop souvent entendu (et vécu) « Ben vous, vous faites de la musique, c’est l’fun pour vous, alors pourquoi on vous paierait autant ? »

    Pourquoi les artistes auraient à être payés moins pour un travail ?

    Parlant photo: il y a aussi les cas de photos prises par un employé d’un journal, par exemple: la photo ne lui appartient alors plus, elle appartient au Journal… (C’est ce qu’on m’a déjà dit en tout cas).

  • Mais… Mais…. mais… Pourquoi l’aurais-je eu? Je ne vous connais pas, je ne connnais pas votre interlocuteur… Comment ce courriel s’est rammasssé dans les commentaires de mon blogue est un mystère…

  • Me confirmer par internet si vous avez bien reçu ma réponse relative à votre demande et si elle est satisfaisante. Il est très difficile d’avoir un accès facile en Birmanie oú vous Le save sévit un régime de junte militaire qui maintient ses habitants dans un état de grande pauvreté.
    Christian Rasselet

  • Super article! Je dirais même que cette façon de voir les choses peut être appliquée à plusieurs autre domaines. Il m’arrive souvent avec notre agence de communications graphiques de se faire demander le même type de collaboration pro bono…. j’ajouterais même que par le passé quand je l’ai fait, ça ne ma jamais rien donné de lucratif.

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