Un photographe menotté alors qu’il prenait des photos d’un hôtel à Québec
Menotté par les policiers, un photographe de passage à Québec s’est vue remettre une contravention de 230$ pour « flânage », conséquence d’avoir été trop proche et trop longtemps du consulat américain.
Il s’agit d’une intervention complètement loufoque, abusive et inacceptable.
John Morris se trouvait à proximité du consulat américain, sur le trottoir, un lieu public. Il semble que l’agent de sécurité du consulat ait appelé la police après lui avoir demandé de quitter l’endroit, trouvant suspect qu’un homme attende ainsi, si près de son lieu de travail. Morris souhaitait photographier l’Hôtel Château Frontenac, l’un des plus beaux bâtiments du Canada. Il attendait simplement que les nuages soient au bon endroit.
Lorsque les policiers sont arrivés, les choses ont mal tourné. Un article de CBC précise que les agents du SPVQ lui ont dit qu’il n’avait pas le droit de rester immobile pendant 30 minutes. Il devait « circuler ». Ils lui ont demandé de s’identifier. Il a refusé, demandant à savoir s’il avait commis un crime ou une infraction. S’i c’était le cas, il s’identifierait. Sinon, il ne donnerait pas ses informations personnelles aux policiers. Les agents lui ont répondu « flânage » et lui ont passé les menottes au moment où il s’apprêtait à sortir son téléphone pour filmer l’interaction. Une version de l’histoire en Français par La Presse.
Qu’en est-il légalement ? Il convient de préciser que je ne suis pas avocat, et ce qui suit ne doit pas être considéré comme un avis juridique ou un conseil légal. Cependant, si vous me suivez depuis un certain temps, vous savez que c’est pas mal un de mes sujet de prédilection.
Contrairement à ce que certains pensent, nous ne sommes pas dans une dictature ou un État policier. Au Québec, on a tout à fait le droit de refuser de s’identifier si nous ne sommes pas en état d’arrestation ou si nous n’avons pas commis une infraction. Dans ce second cas, un policier a le pouvoir légale d’identifier la personne pour savoir qui est le récipiendaire du constat. Ne pas s’identifier dans ces situations peut nous valoir UNE AUTRE INFRACTION: entrave au travail d’un policier. Détails sur le blogue de Cormier Simard, avocats criminel.
Une exception importante: Lorsque nous sommes au volant:
sur demande du policier, le conducteur doit lui remettre son permis de conduire, le certificat d’immatriculation du véhicule ainsi que son attestation d’assurance. Précisons toutefois que cette obligation d’identification s’applique uniquement au conducteur et non pas à tous les passagers du véhicule intercepté. Par contre, si un passager commet lui-même une infraction, par exemple, ne pas avoir porté correctement la ceinture de sécurité , il aura lui aussi l’obligation, à la demande du policier, de s’identifier afin que ce dernier puisse lui remettre un constat d’infraction.
Source: Aide Juridique Montréal
Revenons à notre histoire.
Selon moi, le policier était très conscient que Morris avait le droit de refuser de s’identifier. Le simple fait de faire quelque chose d’inhabituel aux yeux de certains, comme attendre sur un trottoir en observant les nuages, ne constitue ni un crime ni une infraction. L’agent de la paix a donc tenté de lui coller une accusation pour le forcer à s’identifier : « flânage ». Le billet d’infraction précise : « avoir flâné, vagabondé ou dormi dans une rue ou dans un lieu public sans motif raisonnable. »
Élément incriminant pour le policier: il n’a pas accusé le photographe d’entrave après qu’il ai refusé de s’identifier.
CBC a discuté avec une avocate en droit criminel, Florence Boucher Cossette, qui a mentionné que l’accusation de flânage est très vague et utilisée arbitrairement par les forces de l’ordre. Tout le monde flâne. Pourquoi Morris a-t-il été arrêté ? Il ne flânait pas, il prenait des photos.
En anglais dans le texte:
Florence Boucher Cossette, a criminal defence lawyer who has worked on loitering cases before, says the legal definition of the offence is unclear and is used arbitrarily by law enforcement.
« Every day, every single second in this city, people are loitering. So why aren’t you arresting them? » she pointed out.
She said Morris likely has a good shot at winning his case, as people accused of loitering when they were sunbathing or drinking coffee on a bench were acquitted in previous cases.
« In terms of defence, he was doing something, he was not loitering and there without apparent reason, » said Boucher Cossette. « He was taking photographs. »
Morris a déclaré qu’il comptait contester l’amende. À mon avis, il devrait remporter son affaire sans problème. Cependant, il a quand même été menotté, a subi un stress immense, devra revenir à Québec pour plaider sa cause (il réside à l’Île du Prince Edward), et le policier aura réussi à faire indirectement ce que la loi ne lui permettait pas : identifier un citoyen qui n’avait rien fait de mal. Photographier un bâtiment n’est pas un crime, même à proximité d’un consulat.
Autre texte à lire sur ce blogue:
Vous avez le droit de filmer un policier, il ne peut vous forcer à supprimer une image
Oui, il est légal de photographier ou filmer un policier au Canada
Vous voulez aller encore plus loin? Lisez mon livre: La face cachée de la photo
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