Note: De ce billet a été développé une conférence encore plus complète et étoffée et même un livre: La face cachée de la photo.

Gatineau Courthouse

La hantise de tout photographe: voir une de ses photos utilisée sans autorisation. Depuis l’avènement du numérique et d’Internet, l’utilisation non autorisée est en croissance exponentielle.  Vous pourriez retrouver une photo copiée depuis votre site Internet, ou encore vous pourriez découvrir une photo destinée à un ami, mais qui aura été refilée à une compagnie qui s’en sert pour faire de la publicité.  Les cas se multiplient sans cesse. Des outils existent pour trouver les fautifs, mais que faire lorsque vous découvrez quelqu’un utilisant une de vos photos sans autorisation?

Procédure

1. Résistez à l’envie d’appeler le fautif pour l’engueuler.

Voilà probablement l’étape la plus importante, mais la plus difficile au début!

Cela vous défini comme une personne émotive plutôt que rationnelle aux yeux du fautif. Conséquence : cela augmente les chances qu’il essaie de s’en tirer à bon compte en restant sur ses positions, espérant que votre colère aura ventilé vos émotions et que ce sera suffisant pour que vous passiez à autre chose.

2. Amassez les preuves: copie d’écran, achat du journal / magazine, photo d’affiche/ produit/ circulaire/ etc.

Le montant réclamé sera en fonction de l’utilisation. Plus l’utilisation fautive sera importante, plus le montant demandé sera élevé. Il est donc très important de documenter cette utilisation le plus précisément possible.

Si vous avez trouvé la photo sur Internet, faite une capture d’écran de la page (un “print screen”), en vous assurant que son URL (l’adresse web) et la date est visible. Vous pouvez même prendre en photo votre écran avec un journal du jour. Si vous soupçonnez que la photo a été tirée de votre site Internet, faite aussi une capture d’écran de la page en question. Faites-en aussi une avec les deux pages côte-à-côte si c’est possible.

S’il s’agit du site web d’un journal ou d’une revue, il est fort possible qu’elle se retrouve aussi dans la version imprimée; achetez-en une et vérifiez.

Utilisé dans une publicité d’un journal? Vérifiez les journaux concurrents de la ville, mais aussi ceux ailleurs dans le reste de la province.

Vous avez vu votre photo sur une affiche publicitaire dans un commerce? Vérifiez les autres magasins de la chaine le cas échéant. Demandez à quelqu’un d’une autre région de vérifier si l’utilisation est généralisée partout dans la province ou le pays, et documentez cela en photo.

3. Résistez à l’envie d’appeler le fautif pour l’engueuler.

Important!

4. Établir le prix qu’aurait coûté la licence si le fautif avait pris la peine de vous contacter avant l’utilisation non autorisée.

Comment? Comme ceci:

Listez chaque utilisation non autorisée séparément. Par exemple, 50$ pour une utilisation web et 250$ pour la version papier dans le journal. Ou 500$ pour l’utilisation dans une publicité dans un journal ajouté à 2000$ pour les affiches distribuées dans toutes les succursales d’une importante chaine de dépanneurs.

Comme il faut pouvoir justifier ce montant si on se retrouve devant un juge, la grille tarifaire de la CAPIC (dans la colonne de gauche, cliquez sur « grilles et contrats ») ou le logiciel Fotoquote seront alors utiles.

5. Résistez à l’envie d’appeler le fautif pour l’engueuler.

Il faut rester zen.

6. Déterminez les demandes particulières et la pénalité que vous demanderez pour utilisation non autorisée.

La première réaction de la plupart des fautifs repentants sera de proposer un dédommagement équivalent à la licence. Cela est évidemment inacceptable car il encourage les gens à utiliser vos photos sans votre consentement et ce en ne payant que lorsqu’ils se font prendre. Essayez d’aller voler un gilet dans un grand magasin et de proposer de le payer une fois que l’agent de sécurité vous a arrêté…

Il n’y a pas de « règle » pour la pénalité que vous pouvez demandez. Cependant, la Loi sur le droit d’auteur du Canada précise cependant une fourchette de prix: 100$ à 500$ (par photo et par utilisation) dans un cadre non-commercial et de 500$ à 20000$ dans un cadre commercial.

Comment déterminer si le montant devrait être 10000$ plutôt que 500$?

Il n’y a pas de règle officiel pour calculer les dommages. Il faudra éventuellement convaincre le juge que le montant est raisonnable. Il y a cependant une certaine tendance qui semble se dégager: le triple du montant de la licence comme pénalité. Si la licence accordée aurait été de 200$, la pénalité pourrait donc être de 3 fois 200$, soit 600$. Dans cet exemple, la demande total serait donc de 800$: La license de 200$, plus la pénalité de 600$. Vous pouvez demander le double de la licence ou le quintuple si vous voulez: c’est votre choix.

Lorsque le fautif modifie ma photo pour enlever mon logo et la mention de copyright, je considère la faute plus grande car il y a preuve de la mauvaise fois. Si c’est le cas, je n’hésite pas à tripler le montant de la pénalité. Encore une fois, ceci n’est pas une règle officielle. C’est MA façon de procéder. L’important est d’être capable de justifier ces montants.

Dans vos demandes, vous pourriez aussi demander le retrait de la photo, une excuse publique, etc. Vous pouvez demandez ce que vous voulez, mais il faut être capable de justifier ou d’argumenter ces demandes et qu’elles soient acceptables pour le fautif (bonne chance pour les excuses publiques!)

7. Optionnel : faire une première approche par téléphone ou par courriel

Maintenant que vous savez exactement ce que vous demanderez, vous pouvez faire une première approche par téléphone ou par courriel pour « tâter le terrain ».

Le but n’est pas d’engueuler la personne. Il s’agit de faire valoir ses droits et de faire une demande concrète, question de voir si le fautif reconnait l’erreur et est près à payer le montant demandé ou, à tout le moins, à faire une proposition raisonnable de règlement.

Personnellement, je saute directement à l’étape suivante: contacter mon avocat. Mais si vous voulez essayer de discuter et d’argumenter qu’ils sont responsables des erreurs de leur stagiaire ou de leur secrétaire, libre à vous. Mais ne perdez pas trop de temps: vous n’avez pas le poids et les connaissances légales d’un avocat.

Si jamais vous décidez de tenter le coups, ne tomber pas dans ces pièges qu’ils pourraient vous tendre:

8. Contactez un avocat pour une mise en demeure.

La plus grande peur des photographes : faire appel à un professionnel et dépenser de l’argent! Trop souvent je vois des photographes essayer de faire leur site web eux-mêmes, de faire leur logo eux-mêmes, ou de demander des conseils légaux à leur beau-frère!

Il semble y avoir chez les photographes cette peur d’investir de l’argent – car il s’agit bien d’un investissement et non d’une dépense – sur des gens qui connaissent mieux certaines choses, ou qui feront mieux qu’eux certaines autres. Votre talent est la photographie : faites des photos. Votre temps est trop précieux pour essayez d’apprendre à programmer un site web ou de mémoriser le Code Civil du Québec!

Si une approche téléphonique ou par courriel n’a pas donné les résultats escomptés, l’étape suivante est la mise en demeure. Une mise en demeure, c’est une lettre qui ordonne officiellement au destinataire d’exécuter une obligation selon certaines modalités et dans un délai déterminé. Cette lettre donne à son destinataire la possibilité de s’acquitter de son obligation sans passer par les tribunaux.

Par exemple, vous pourriez mettre en demeure une compagnie de vous payer un dédommagement total de 1000$ pour l’utilisation de votre photo dans les 10 jours ouvrables, en cas de quoi vous pourriez utilisez les tribunaux pour faire valoir vos droits. Cette mise en demeure doit être envoyé par courrier recommandé pour avoir la preuve qu’elle a bien été reçue.

Et là apparait l’utilité de l’avocat. Vous pouvez vous-même rédiger cette mise en demeure, l’envoyer et en faire le suivit.
Mais…

Un avocat vaut chaque dollar que vous lui donner, et beaucoup plus. Vous lui fournissez la documentation de la preuve, le montant que vous demandez avec les explications détaillées de ce montant, et il s’occupera de faire la mise en demeure, de trouver à qui l’envoyer (parfois plus compliqué que cela peut sembler dans le cas d’une grosse compagnie avec plusieurs filiales), leur faire parvenir. Cependant, plus vous collectez d’informations, moins votre avocat aura à travailler et sa facture sera d’autant plus douce pour votre portefeuille.

Tout dépendant de l’avocat, cela devrait vous couter quelques centaines de dollars; généralement moins de 500$ si ce n’est pas un gros bureau.

C’est triste, mais un papier à entête d’un avocat est souvent le seul moyen de faire réagir quelqu’un.

Une mise en demeure suivit d’une courte négociation par avocat interposé sera généralement suffisant pour régler cela à votre satisfaction.

Dans tous les cas, le montant obtenu a été supérieur à mes frais d’avocat. C’est mon avocate qui travaille, et moi-même je n’ai jamais mis plus de 15 minutes sur un dossier: je transmets ma demande à mon avocate et je n’ai qu’à dire « oui » ou « non » lorsqu’elle m’envoie un courriel pour me transmettre une proposition de la partie adverse.

9. Faire une demande aux petites créances

Si la mise en demeure ne donne pas satisfaction, parce que le fautif ne répond pas ou n’est pas ouvert à payer un montant qui vous convient, l’étape suivante sera les petites créances si le montant demandé est inférieur à 15,000$ (le montant était de 7000$ avant le 1er janvier 2015). Il est possible de remplir la demande via un formulaire en ligne, et d’aller déposer cela ensuite au Palais de Justice. Il y a des frais pour l’ouverture du dossier qui varie en fonction du montant demandé, mais ils seront chargés à l’autre partie en cas de victoire et seront ajouté au montant accordé.

Une seule fois j’ai dû faire une demande aux petites créances et le lendemain de la réception des papiers, ils m’appelaient pour régler cela.

À noter que les petites créances est une solution économique et rapide sans avocat. Vous devrez donc plaider votre cause vous-même, et le fautif ne pourra pas lui non plus se faire représenter par un professionnel. Vous combattrez à armes égales et vous ne n’aurez donc pas à avoir peur d’être intimidé par une batterie d’avocat d’une importante compagnie.

Que faire si le fautif est dans un autre pays?

Un avocat Québécois peux s’occuper de la rédaction et de l’envoie d’une mise en demeure, mais ne pourra pas aller plus loin si une compagnie ou un individu d’un autre pays utilise une de vos photos car il n’est pas membre du barreau local. Vous devrez donc faire appelle à un avocat du pays, ce qui complique évidemment beaucoup les choses. Par contre, si votre but principale est de faire retirer la photo de site web fautif, vous pouvez envoyer un DMCA takedown notice. La procédure complète est simple, mais vous devez pouvoir vous exprimer en anglais.

Et aux Etats-Unis?

Dans les faits, c’est la même chose: vous devrez faire appel à un avocat local. Cependant, nos voisins américains ont apporté une mesure de protection supplémentaire : le United States Copyright Office. Même si vous n’êtes pas américain, vous pouvez y envoyer vos photos par mesure de protection et ce registre vous servira de preuve le cas échéant que vous êtes bien le créateur de l’image. Chacune des photos utilisées sans votre autorisation et qui se trouve dans le registre peut vous apporter jusqu’à 100000$ en dommage!

**

En complément de lecture: 10 mauvaises bonnes raisons d’utiliser une photo trouvée sur Internet sans demander la permission au photographe

Vous voulez aller plus loin? Consultez mon livre La face cachée de la photo.

Why does street photography make people paranoid? Stand Your Ground, a 15 minute documentary made for the London Street Festival, answers this question by getting a group of photographers to stand their ground over a period of time in a public place in London to see the objections raised by local security officials, police and the public.

It is amazing how photography in public space seems to be problematic in big UK cities these days and, to a lesser extend, in the United States. What you can do with your photo might be different in Quebec than the rest of the world, but the rule of « if you are in a public place, you can photograph everything you want » is the same so the video is relevant for photographer, wherever they live.

Mon avocate Catherine Morissette était en onde au FM 93 hier pour parler de propriété intellectuel.

Elle a entre autre parlée de moi et des nombreuses utilisations non-autorisées de mes photos que je découvre, des conséquences que cela a sur mon entreprise, et des poursuites que j’intente.

Si vous voulez sauter directement au segment me concernant, vous pouvez allez directement au fichier audio et sauter à la 6e minute (jusqu’à la 13e environs).

While tracking a photographer who was undercutting the market, John Arrington got more than he bargained for. Copyright infringement? Check! Misrepresentation? Check! Alors qu’il cherchait à en connaitre un peu plus sur un photographe qui “undercut-ait” (vendre sous le prix normal du marché), John Arrington a trouvé beaucoup plus. Vol de propriété intellectuel? Check! Représentation frauduleuse? Check!


Copyright © 2023 Francis Vachon.